Aujourd’hui, il semble être de  bon ton de critiquer l’ouverture du stud-book SF. Certains y vont de leurs présages néfastes, accusant de tous les maux cette ouverture. Pourtant, en y regardant de plus prêt, on  en trouve certains, parmi les plus virulents, qui utilisent, néanmoins, ces étalons dits « étrangers ».
Les conseilleurs n’étant pas les payeurs, ces « nouveaux apôtres » du SF « pur-jus » appliquent le principe bien connu : « faites ce que je dis … pas ce que je fais »  !
 
C’est pourquoi, je me propose de faire le point historique sur l’ouverture du stud-book SF. Ayant participé moi-même dès 1990 à ce projet d’ouverture au nom de l’ASEP, je suis convaincu que c’était la bonne solution dans les années 1990-2000. J’ai suivi cette évolution depuis son début. Bien qu’étant à la Commission du stud-book SF pour représenter les étalonniers privés, le poste que j’occupais n’avait qu’un rôle consultatif, sans participer au vote.
 
La question fondamentale que l’on peut se poser est de savoir si, à cette époque de l’ouverture et pendant la période qui a suivi, les Haras Nationaux et la FEDEL puis l’ANSF ont bien géré ce dossier  fondamental  du stud-book SF ?
 
UN PEU D’HISTOIRE
 
Depuis leur création, les Haras Nationaux  dirigent les stud-books et tout ce qui concerne l’élevage en France. Pour la période qui nous concerne ici, dite contemporaine, les HN ont tenu les rênes des stud-books jusque dans les années 2000, c’est-à-dire la fin du XXe siècle.
C’est dans les années 50-60, la période après la seconde guerre mondiale, que l’équitation de loisir et sportive  a commencé à se développer. Les HN y ont largement contribué, notamment grâce à l’engagement financier de l’Etat via le PMU.
Période politique de « centralisation des pouvoirs », c’est aussi à cette époque que les HN ont centralisé les différentes  races de « demi-sang »  français, richesses régionales, en les regroupant sous la même appellation dite « SELLE FRANÇAIS » et en imposant aux autres régions la suprématie de la génétique mâle Normande.
 
Le Demi-Sang Anglo-Normand était considéré par les dirigeants de l’administration des Haras comme le parangon du cheval de selle en France.
C’est en 1958, que les Haras Nationaux ont supprimé les différents livres généalogiques régionaux (Normand, Vendéen, Charolais, Charentais, Breton, etc ) et donc les races régionales pour n’en faire qu’un,  le SELLE FRANCAIS.
Ce stud-book SF a fêté ses 50 ans en 2008.
 
Evidemment, le stud-book SF était un livre généalogique  considéré comme « fermé », travaillant, soit disant, dans l’indigénat. En fait, ce regroupement des différents stud-books régionaux offrait initialement une large ouverture génétique. De plus, traditionnellement, la jumenterie de Demi-Sang était améliorée depuis toujours par croisement avec des étalons de races génétiquement étrangères pour provoquer ce que les généticiens nomment l’effet hétérosis. Ces reproducteurs étrangers étaient  au  XXe siècles principalement les étalons de Pur-Sang mais aussi de race Anglo-Arabe ou Trotteur Français (un cousin très éloigné du DS Anglo-Normand).
Même s’ils sont plus étrangers génétiquement que certains étalons dits « Selle Etranger » d’aujourd’hui, le fait de les utiliser depuis des lustres, les avait assimilé aux races françaises.
C’était ce qu’on appelle l’intégration réussie !
C’est d’ailleurs ce type de croisements PS x DS, AA x DS ou TF x DS (ou l’inverse) qui a fait la richesse et la particularité de l’élevage du cheval de selle en France et qui a produit tant de grands champions dans les années 50-80.
C’était aussi un schéma de sélection  que pratiquaient les autres stud-books d’Europe, notamment l’hybridation avec les Pur-Sang ou l’AA.
 
Depuis que les sports équestres modernes  ont vu le jour (globalement les années 50-60), 80% des meilleurs performers SF de haut niveau étaient issus à une ou deux générations d’un étalon PS, AA ou TF associé à une jument DS puis SF et cela jusque dans les années 80.
Tout le monde a entendu parler des étalons de Pur-Sang fondateurs tels ORANGE PEEL, FURIOSO, FOUDROYANT II, ULTIMATE, BABOUINO, LE TYROL, L’ALCAZAR, FRA DIAVOLO, RANTZAU, POPOF, VERDI, FORT NATIONAL, MONCEAUX, NIGHT AND DAY, PROTOCOLE, MONTIGNY, SIRE, POT D’OR, KACOLET, ST BRENDAM, RAKOSI, AMARPOUR etc …
Ces Pur-Sang ont produit la majorité des champions SF en CSO et CCE dans cette même période.
La plupart des régions, même la Normandie, croisait aussi avec succès la jumenterie DS avec des étalons AA.
Qui ne se souvient , par exemple, du succès de NICKEL, ET HOP  ou URTOIS en Normandie, SEDUCTEUR, BARIGOULE, DARE DARE II  ou HENAUD dans le Nord, NOROIT ou LAURIER en région parisienne, FLORISS II dans l’Est, MAROC dans les Dombes, URF II en Anjou, NAMOUSKY ou VIDOC en Vendée etc …
 
La période des années 80 a été une époque glorieuse et de grande notoriété pour l’élevage SF. L’équipe de France Championne du Monde était remontée par des cracks Selle-Français nommés FLAMBEAU C (Un Prince PS x DS), GALOUBET A (Almé x TF), IDEAL DE LA HAYE (Amarpour PS x SF), EOLE (Raa x SF).  Un autre phénomène notoire fut JAPPELOUP  (TF x PS) deux fois 2e de la Coupe du Monde et Champion Olympique.
A la même époque d’autres grands étalons performers SF exportés faisaient partie de l’élite mondiale sous bannières étrangères comme aux USA, I LOVE YOU (Almé x Nykio (fils de PS) x PS)  ou NOREN (Sire PS x SF).
Non seulement, le sport se portait bien mais l’élevage SF également. Dans le même temps les étalons SF servaient aussi d’améliorateurs aux autres grands stud-books européens. Le Holstein avoue devoir beaucoup au SF COR DE LA BRUYERE (Rantzau ps x Lurioso sf) mais aussi aux étalons issus d’ALMÉ et de ses petit-fils QUIDAM DE REVEL et QUICK STAR.
Le Hannovre et Oldenbourg ont connu une période de gloire grâce aux SF FUTURO (Furioso ps) et FURIOSO II (Furioso ps)  ou ZEUS (Matador aa).
ALMÉ, entre autres, a aussi beaucoup fait pour les élevages Belges et Hollandais.

Mais après cette période ascensionnelle, l’organisation du Selle-Français a connu quelques évolutions assez néfastes pour notre race à partir des années 90. Au sein des Haras Nationaux,  les « hommes de chevaux » et experts ont été remplacés par des nouveaux cadres, hommes et femmes, venant de divers horizons, sans suffisamment de connaissances du cheval, ni des hommes de terrain. C’est aussi à cette époque de transition que les généticiens de l’INRA et la direction des Haras Nationaux ont commencé à imposer aux éleveurs l‘index provenant des animaux de rente, comme les vaches laitières, appelé BLUP.
Dans ces années 80-90, les Haras Nationaux croyant se moderniser et face à cette nouvelle génération de cadres sans compétence d’expert ont, tout bonnement, supprimé l’expertise de la sélection mâle. Pendant près de 10 ans, la sélection et l’approbation des étalons ne furent faites que sur les indices, notamment BLUP, sans examen morphologique par des experts.
Cela a nui, non seulement, à notre sélection, mais aussi à la réputation de l’élevage SF à travers le monde.
Nous étions le seul stud-book &ag